Bonjour à tous,
L’actualité du jour est chargée en droit social, le Journal Officiel de ce matin ayant livré deux nouvelles ordonnances présentées lors du Conseil des Ministres d’hier, qui modifient certaines des ordonnances adoptées depuis le début de la crise sanitaire.
- Ordonnances n° 2020-427 et 2020-428 du 15 avril 2020 publiées au JO de ce jour
Ces deux ordonnances modifient celles qui ont été prises jusqu’à présent pour accompagner l’état d’urgence sanitaire, et plus précisément, pour ce qui concerne le droit social :
– L’ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle,
– L’ordonnance n° 2020-387 du 1er avril 2020 portant mesures d’urgence en matière de formation professionnelle,
– L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période,
– L’ordonnance n° 2020-322 du 25 mars 2020 adaptant temporairement les conditions et modalités d’attribution de l’indemnité complémentaire prévue à l’article L. 1226-1 du code du travail et modifiant, à titre exceptionnel, les dates limites et les modalités de versement des sommes versées au titre de l’intéressement et de la participation,
– L’ordonnance n° 2020-312 du 25 mars 2020 relative à la prolongation de droits sociaux.
Brièvement (autant que possible…), les dispositions modifiées sont les suivantes :
– Sur la suspension des délais et procédures en matière administrative au cours de la « période juridiquement protégée », prévue par l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 :
L’ordonnance n°2020-306 a prévu que les délais impartis aux administrations pour prendre une décision (explicitement ou implicitement), ou les délais imposés par l’administration à toute personne pour réaliser des contrôles, travaux, ou se conformer à des prescriptions de toute nature, sont suspendus jusqu’à la fin de la « période juridiquement protégée » (qui correspond à la durée de l’état d’urgence sanitaire + 1 mois, soit en l’état actuel des textes jusqu’au 24 juin 2020). La même ordonnance a prévu qu’un décret vienne déterminer les catégories d’actes, de procédures et d’obligations pour lesquels, pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l’environnement et de protection de l’enfance et de la jeunesse, le cours des délais devait reprendre, par dérogation au principe de suspension.
La liste des motifs pouvant permettre au décret d’ordonner la reprise des délais est complétée par l’ordonnance n° 2020-427 pour intégrer la sauvegarde de l’emploi et de l’activité, et la sécurisation des relations de travail et de la négociation collective. Le décret attendu dans les prochains jours concernera donc la reprise de certains délais applicables en droit du travail, et pourrait, entre autres, lever les difficultés liées à la suspension des délais accordés aux DIRECCTE pour homologuer les ruptures conventionnelles.
– Activité partielle :
o L’ordonnance n° 2020-428 contient diverses précisions relatives aux apprentis, contrats de professionnalisation, salariés à domicile, assistants maternels, salariés intérimaires et marins.
o Elle prévoit que les cadres dirigeants ne peuvent être placés en activité partielle qu’en cas de fermeture temporaire de l’établissement ou partie d’établissement (et donc pas en cas de réduction de l’horaire de travail).
o Peuvent également être placés en activité partielle les salariés portés titulaires d’un CDI au cours des périodes sans prestation à une entreprise cliente (les modalités de calcul de leur indemnité d’activité partielle seront définies par décret à venir).
o Enfin, l’ordonnance confirme qu’il y a bien lieu d’appliquer le mécanisme d’écrêtement de la CSG/CRDS lors du calcul des cotisations dues sur l’indemnité d’activité partielle (cf. position des URSSAF transmise hier).
– Apprentis et contrats de professionnalisation : l’ordonnance n° 2020-428 permet de ne pas appliquer, à titre dérogatoire, aux prolongations de contrats d’apprentissage et de professionnalisation effectuées en application de l’article 3 de l’ordonnance n° 2020-387 du 1er avril 2020 portant mesures d’urgence en matière de formation professionnelle, les dispositions liées à la durée des contrats, à l’âge maximal du bénéficiaire et à la durée de formation. Il est également permis aux apprentis et aux contrats de professionnalisation dont les contrats sont en cours au 12 mars 2020 de ne pas débuter leur formation dans le délai maximal de trois mois compte-tenu des difficultés liées à l’état d’urgence sanitaire.
– Négociation collective : l’ordonnance n° 2020-428 réduit les délais de négociation pour les accords collectifs conclus jusqu’à l’expiration de la « période juridiquement protégée », et dont l’objet est exclusivement de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 ainsi qu’aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation :
o Les délais de négociation et d’extension des accords de branche sont raccourcis,
o Pour les accords d’entreprise négociés avec les délégués syndicaux et signés par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % mais moins de 50 % des suffrages exprimés au premier tour des élections des titulaires au CSE, le délai d’1 mois octroyé à ces organisations pour indiquer qu’elles souhaitent une consultation des salariés pour valider l’accord est réduit à 8 jours ; si une telle demande est faite, le délai de 8 jours avant l’organisation de la consultation laissé aux organisations syndicales représentatives non signataires pour signer l’accord est réduit à 5 jours (à applicable aux délais qui n’ont pas commencé à courir au 17 avril 2020),
o Pour les entreprises de moins de 11 salariés dépourvues de délégués syndicaux, l’employeur peut proposer un projet d’accord d’entreprise aux salariés. La consultation du personnel est organisée à l’issue d’un délai minimum de 15 jours courant à compter de la communication à chaque salarié du projet d’accord. L’ordonnance n° 2020-428 réduit ce délai à 5 jours (à applicable aux délais qui n’ont pas commencé à courir au 17 avril 2020),
o Pour les entreprises d’au moins 50 salariés dépourvues de délégués syndicaux, l’employeur peut négocier un accord d’entreprise avec les membres de la délégation du personnel du CSE. Les élus qui souhaitent négocier doivent le lui faire savoir dans un délai d’1 mois à compter de la date à laquelle l’employeur a manifesté son intention de négocier. Ce délai d’1 mois est porté à 8 jours par l’ordonnance n° 2020-428 (à applicable aux délais qui n’ont pas commencé à courir au 17 avril 2020).
– Maintien de salaire : l’ordonnance n° 2020-322 du 25 mars 2020 a étendu le mécanisme du maintien de salaire à l’ensemble des arrêts de travail mis en place dans le cadre de la crise sanitaire, et supprimé la condition d’ancienneté pour en bénéficier.
L’ordonnance n° 2020-428 précise que ces adaptations sont applicables aux arrêts de travail en cours au 12 mars 2020 et à ceux ayant débuté postérieurement à cette date. Elles cesseront d’être applicables à une date fixée par décret, qui ne pourra excéder le 31 décembre 2020.
– Cotisations sociales : l’ordonnance n° 2020-312 du 25 mars dernier a suspendu entre le 12 mars et la fin de la « période juridiquement protégée » les délais régissant le recouvrement des cotisations et contributions sociales, le contrôle et le contentieux (sauf redressements pour travail dissimulé, marchandage, prêt illicite de main d’œuvre et emploi d’étranger sans permis de travail).
L’ordonnance n° 2020-428 la complète et prévoit que peuvent être accordés des reports ou délais de paiement des cotisations et contributions sociales, sans application de majorations ou pénalités.
Elle ajoute que lorsqu’un redevable dissimule, de manière volontaire ou par omission, la véritable situation financière de la société pour pouvoir bénéficier des reports exceptionnels de paiement des cotisations et contributions, la suspension des délais de recouvrement des cotisations et contributions sociales, pénalités et majorations, n’est pas applicable.